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    Allocution d’Emmanuel Macron : aucune « décision structurante et historique » pour la transition écologique et sociale !

     

       Communiqué 27 novembre 2018  ATTAC France

     

      Les « décisions structurantes et historiques » qu’Emmanuel Macron avaient annoncées ont fait long feu. Emmanuel Macron confirme sa politique économique et fiscale profondément inégalitaire et injuste, tout en refusant de changer de braquet en matière de transition énergétique. Ce qui devrait être fait aujourd’hui est repoussé à plus tard, sans que rien ne soit proposé pour répondre de façon structurelle au caractère injuste et inefficace d’une fiscalité carbone dont les entreprises les plus polluantes sont largement exonérées, comme le montre la note que nous publions ce jour : « basculer la fiscalité carbone sur les entreprises les plus polluantes et jusqu’ici largement exonérées ».

     

     Le 16 octobre dernier, lors d’une allocution télévisée, Emmanuel Macron avait affirmé vouloir prendre rapidement des « décisions structurantes et historiques » en matière de transition énergétique et de lutte contre les dérèglements climatiques. Aucune des annonces rendues publiques par Emmanuel Macron et François de Rugy ce 27 novembre lors de la présentation des grandes lignes de la Programmation pluriannuelle de l’énergie ne peut malheureusement être qualifiée ainsi, l’exécutif préférant annoncer un changement dans la « méthode de travail » plutôt que prendre les décisions courageuses et visionnaires dont nous avons urgemment besoin.

     

    Alors que les scientifiques ne cessent de répéter qu’il faut changer de cap aussi rapidement que possible, Emmanuel Macron a tenu à affirmer qu’il n’allait pas modifier le sien. Pour la nième fois, le Président de la République a annoncé la fermeture des trois dernières centrales à charbon du pays, qui ne représentent pourtant que 2,3 % de la capacité de production électrique installée (3000 MW) et à peine 1,4 % de l’énergie produite : les fermer ne pose aucun problème technique, l’enjeu est limité et la réduction des émissions attendue est assez faible.

     

    « Nous devons sortir des énergies fossiles » claironne Emmanuel Macron, oubliant de rappeler que son gouvernement a autorisé la multinationale Total à forer au large de la Guyane pour trouver de nouveaux gisements de pétrole, qu’il a mis en œuvre le CETA qui n’est pas climato-compatible et qui favorise l’importation d’hydrocarbures, qu’il vient de confirmer la construction de sept nouvelles autoroutes dont le très contesté contournement ouest de Strasbourg et qu’il refuse de taxer le kérosène et le fioul lourd. On ne peut que regretter qu’aucune annonce relève l’ambition de la France en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, ce que l’installation d’un haut conseil pour le climat – qui va contribuer à gaspiller le temps disponible – ne saurait masquer.

     

    En matière de transition énergétique et de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique du pays, Emmanuel Macron se contente, pour l’essentiel, de repousser à plus tard ce qui devrait être fait maintenant : hormis Fessenheim, il n’aura pas à gérer la fermeture de centrales nucléaires pourtant vieillissantes dans le cadre de ce quinquennat et, comme chacun sait, ce qui est remis au quinquennat suivant est donc rendu très hypothétique. Il en découle de grandes incertitudes sur la capacité de l’État à tenir ses engagements en matière de déploiement des énergies renouvelables qui nécessite une forte réduction de la place du nucléaire dans le mix électrique.

     

    Il est par ailleurs étonnant d’entendre Emmanuel Macron affirmer vouloir donner plus d’ambition à l’isolation des bâtiments existants quand sa propre loi de finance 2019 prévoit de priver l’Agence nationale de l’habitat de 130 millions d’euros de budget. Là où l’Anah devait recevoir 550 millions d’euros issus de la mise aux enchères des quotas de carbone, le gouvernement propose de réduire ce montant à 420 millions d’euros et de récupérer le restant pour financer le budget général et, donc, financer une politique fiscale favorable aux riches et au capital.

     

    Enfin, Emmanuel Macron était attendu sur le dossier de la fiscalité carbone et de l’injustice sociale qui découle de l’application de la taxe carbone sur les carburants. Plutôt qu’apporter des réponses structurelles et des alternatives au tout-voiture et à l’étalement urbain, comme le rapprochement des services publics, la relocalisation des activités et le développement massif des transports en commun et mobilités douces, le Président de la République s’est contenté de proposer, sans la détailler, une mesure, une « taxe flottante » qui a fait la preuve de son inefficacité dans un passé récent.

     

    Rien qui ne permette de répondre à la colère populaire exprimée par le « mouvement des gilets jaunes » et aux critiques suscitées par l’application d’une taxe carbone injuste sur le plan social, inefficace pour réduire les consommations à court-terme et épargnant le mode de vie extrêmement polluant des plus riches. Dans une note publiée ce jour, Attac France propose ainsi un basculement de la fiscalité carbone sur les entreprises les plus polluantes, jusqu’ici largement exonérées de toute fiscalité carbone efficace et contraignante, et, a minima un moratoire sur toute nouvelle augmentation de la fiscalité carbone en direction des ménages, artisans et petites entreprises. Le temps que soit mise en œuvre une politique fiscale re - distributive permettant de réduire les inégalités, réduire l’empreinte écologique des plus riches et des entreprises les plus polluantes et développer les alternatives au tout-voiture et à l’étalement urbain.

     


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    Vive la Délégation de Service Public

     

    Un exemple dans l’ESSONNE : lors du renouvellement du contrat de délégation de service public de collecte des ordures ménagères, le SIOM (Syndicat Intercommunal des Ordures Ménagères qui regroupe 21 communes essentiellement de l’agglomération Paris-Saclay plus 2 communes des Yvelines) a fait le choix de l’entreprise SEPUR dirigé par un certain Youri Ivanov avec comme actionnaire principal un fonds d’investissement en LBO !!! Selon les Echos.fr « Les fonds de LBO financent leurs acquisitions par une bonne part de dettes et ont une préférence très nette pour disposer du contrôle exclusif sur la société compte tenu du risque important pris à travers l'effet de levier. » Ces fonds d’investissement ont donc des pratiques de pirates : acheter la dette d’entreprises en difficultés, en prendre le contrôle total et se rembourser sur les actifs de ces sociétés, avec licenciements et ventes d’immeubles ou d’usines pour faciliter la dépense initiale. C’est ce qui s’est passé pour les magasins de chaussures ANDRE, La Halle aux Chaussures….  L’effet de levier permet de se rembourser davantage que la mise de fonds initiale.

     

     

     

    Dans le cas présent : la société SEPUR « a remporté le marché en cassant les tarifs (650.000 € de moins que son concurrent) en effectuant une politique de dumping social envers son personnel : pertes de rémunérations de 300 à 600€/mois par rapport à l’ancien prestataire (pour des salaires à moins 1800€ après 20 ans d’ancienneté), détérioration des conditions de travail et non reprise des 12 représentants du personnel sur ce site de Villejust qui compte 85 salariés. »

     

    Il est plus rentable pour les communes et groupements de communes de réaliser par elles – mêmes les services dont elles ont la compétence comme l’enlèvement des ordures ménagères, les cantines scolaires car les investissements qu’elles réaliseront seront pérennes dans le temps et ne dépendront plus de contrats à renouveler. Voir les programmes municipaux des prochaines listes aux élections Municipales de 2020.

     

    Gérard ESTIOT

     

     

     

     

     

     

     


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  • Catherine : Comment peut-on faire pression en tant que citoyen pour aider les politiques à prendre cette question au sérieux ?

     

    Dominique Plihon : La pression citoyenne a un rôle majeur à jouer pour lutter contre l’évasion fiscale. Les lanceurs d’alertes, qui sont des citoyens courageux, en sont une première illustration. Les campagnes lancées par la plate-forme des « paradis fiscaux et judiciaires » qui rassemble une vingtaine d’ONG en France ont une certaine efficacité, c’est elle qui a obtenu que l’obligation de « reporting » dans les paradis fiscaux soit inscrite dans la loi bancaire française de 2013 et reconnue comme utile par les autorités européennes.

     

    Marion : Pensez-vous que le projet BEPS (acronyme qui signifie en français « lutte contre l’érosion de la base fiscale ») de l’OCDE soit possible à mettre en place et suffisant pour réduire l’optimisation fiscale ?

     

    Dominique Plihon : Le projet BEPS va dans le bon sens dans la mesure où il cherche à accroître la transparence des pratiques fiscales, ce qui est une première étape pour lutter contre l’optimisation fiscale, qui est une forme d’évasion qui consiste à profiter des différences entre les législations fiscales nationales pour réduire le paiement des impôts. Par exemple en localisant ou en transférant les profits des entreprises vers les « paradis fiscaux » où le taux d’imposition des profits est faible, voire nul. C’est le cas par exemple à Madère dont Le Monde parle aujourd’hui.

     

    Le programme BEPS est toutefois insuffisant pour stopper certaines formes d’évasion fiscale. Il faudrait aller plus loin que les simples échanges d’informations qu’il prévoit et prendre, par exemple, les mesures suivantes, qui seraient beaucoup plus efficaces, beaucoup plus contraignantes :

     

     

     

    + à l’échelle de la France ou de l’Europe, imposer un « reporting » (rapport) pays par pays aux banques et aux entreprises transnationales concernant leurs opérations dans leurs filiales à l’étranger, et en particulier dans les paradis fiscaux. Cette disposition est déjà prévue par la loi bancaire française de 2012, mais le gouvernement vient de reculer devant la demande des ONG de rendre publics ces « reportings », ce qui aurait été un moyen de pression considérable à l’égard des entreprises et des banques qui pratiquent l’évasion fiscale.

     

    + à l’échelle mondiale, créer un registre mondial public afin de connaître les propriétaires effectifs des trusts et autres montages juridiques qui sont parmi les principaux canaux de l’évasion ou l’optimisation fiscales.

     

     

     


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    Axel : Concrètement, quelles sont les actions que l’Union européenne peut mettre œuvre en pour lutter contre l’évasion fiscale ?

     

    Dominique Plihon : Il est prioritaire de donner un statut juridique aux lanceurs d’alertes pour les protéger. Ceux-ci jouent un rôle important pour révéler au grand jour les pratiques fiscales illégitimes qui conduisent à l’évasion fiscale. On peut donner l’exemple de l’affaire « Luxleaks », au Luxembourg, dans laquelle des lanceurs d’alertes, dont Antoine Deltour, ont diffusé des fichiers de leur employeur, la société de conseil PricewaterhouseCoopers.

     

    Ces fichiers montraient la pratique du Luxembourg consistant à accorder dans la plus grande opacité des avantages fiscaux (« rulings » en anglais) qui sont destinés aux multinationales. Cette pratique correspond à de la concurrence déloyale à l’égard des autres pays européens et nuit aux principes de l’harmonisation fiscale qui devrait dominer en Europe.

     

    Antoine Deltour et ses collègues ont été attaqués en justice avec un risque d’amende et d’emprisonnement. Leur rôle a été tout à fait salutaire pour lutter contre l’évasion fiscale en Europe. Il faudrait que les autorités européennes mettent leurs actes en accord avec leurs discours et reconnaissent le rôle des lanceurs d’alertes. Or, celles-ci, ainsi que le gouvernement français, viennent de soutenir une directive européenne sur le secret des affaires qui donnent la priorité aux intérêts des entreprises.

     

    Robert : Quid d’une homogénéisation des pratiques fiscales au sein de l’UE ?

     

    Dominique Plihon : L’harmonisation des pratiques et politiques fiscales est en effet une condition nécessaire pour stopper l’optimisation fiscale fondée, justement, sur les différences entre les Etats. Actuellement, une directive est en cours d’élaboration pour tenter d’harmoniser l’impôt sur les sociétés dans l’Union européenne.

     

    Mais, pour être efficace, il faudrait que cette politique harmonise à la fois les taux d’imposition et l’assiette fiscale, ce qui ne semble pas être le cas à ce stade d’élaboration. L’Union européenne ne pourra fonctionner correctement que si elle se dote d’une fiscalité harmonisée. On en est encore très loin…

     

    Youssef : Pensez-vous que la lutte contre l’évasion fiscale est vaine étant donné que nous avons des paradis fiscaux au cœur de l’Europe mais aussi au cœur de la zone euros ?

     

    Dominique Plihon : Il est en effet anormal que les autorités européennes tolèrent des paradis fiscaux au sein même de l’UE, ce qui est une sorte de « cancer » qui mine de l’intérieur la construction européenne. On observe des contradictions.

     

    D’un côté, l’Irlande est frappée d’une amende de 13 milliards d’euros pour ses largesses fiscales à l’égard de la société Apple, ce que refuse le gouvernement irlandais. Et, d’un autre côté, on vient d’apprendre que la Commission n’agit pas à l’égard de paradis fiscaux tels que, selon moi, la zone franche de Madère, au motif que le gouvernement portugais a une politique fiscale jugée satisfaisante.

     

    Il faudrait éradiquer tous les paradis fiscaux à l’intérieur de l’Union européenne. L’argument souvent opposé est que les sociétés iront alors s’installer à l’extérieur de l’UE. Une solution est d’élaborer une loi fiscale comparable à celle des Etats-Unis, la loi FATCA élaborée sous l’administration de Barack Obama et menacée par celle de Donald Trump. Cette loi FATCA consiste à obliger toutes les banques dans le monde à déclarer les revenus qu’elles reçoivent des ressortissants américains, ce qui permet à l’administration fiscale américaine de lutter efficacement contre l’évasion fiscale.

     


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    Optimisation fiscale

     

    « S’il n’y avait pas d’évasion fiscale, il n’y aurait pas de problème d’équilibre des finances publiques »

     

    Dominique Plihon, porte-parole d’Attac France et professeur d’économie financière à l’université Paris-XIII a répondu à vos questions lors d’un tchat du Monde.fr à propos de la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales. Publié le 15 février 2017

     

    Que peut entreprendre la France, et plus généralement l’Union européenne (UE) pour lutter contre l’optimisation et l’évasion fiscale ? Alors que l’UE a déjà adopté, en 2016, une série de mesures dans la foulée du scandale « Panama papers », beaucoup s’interrogent sur la tolérance qu’elle affiche à l’égard de « petits paradis fiscaux », tels que l’île de Madère, à laquelle Le Monde s’intéresse, mercredi 15 février.

     

    Le Monde.fr a invité Dominique Plihon, porte-parole d’Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) France et professeur d’économie financière à l’université Paris-XIII, à participer à un tchat afin de répondre à vos questions sur le sujet.

     

    Alain : « Vos questions sur l’optimisation et l’évasion fiscale »... Je ne me sens pas concerné par tout ça. Devrais-je l’être ?

     

    Dominique Plihon : Je précise que je parle à la fois en tant qu’économiste et citoyen altermondialiste. L’évasion fiscale est une question majeure pour la société et même pour la démocratie. Premièrement, nous avons montré que l’évasion fiscale représente des sommes considérables, de l’ordre de 60 à 80 milliards d’euros par an pour la France, et 1 000 milliards d’euros par an pour l’Union européenne.

     

    Dans le cas de la France, l’évasion fiscale correspond à peu près au montant du déficit public. C’est-à-dire que s’il n’y avait pas d’évasion fiscale, il n’y aurait pas de problème d’équilibre des finances publiques.

     

    Deuxièmement, l’évasion fiscale profite essentiellement aux citoyens les plus fortunés et aux plus grandes entreprises transnationales, ce qui renforce les inégalités et crée un sentiment d’injustice fiscale, ce qui est contraire au droit fondamental qui place les citoyens à égalité devant l’impôt. Ce sentiment d’injustice sape l’un des fondements de l’Etat de droit qu’est l’impôt.

     

    Maxime : Vu les chiffres que vous donnez et donc les enjeux de la lutte contre l’évasion fiscale, il me vient une question. Pourquoi est-ce si compliqué de lutter contre ? J’imagine que tous les gouvernements intelligents (de droite comme de gauche) ont dû vouloir « mettre le paquet » pour récupérer la cagnotte ?

     

    Dominique Plihon : Le principal obstacle à la lutte contre l’évasion fiscale n’est pas la complexité, mais la volonté politique. En France, par exemple, il existe ce qu’on appelle le « verrou de Bercy » qui nécessite l’autorisation du ministre de l’économie pour poursuivre les gros délinquants fiscaux, entreprises ou particuliers. Les hommes politiques peuvent être sensibles aux pressions des lobbies et ne pas avoir la sévérité requise dans la lutte contre ces derniers. Pour éviter ce risque, il faudrait supprimer ce « verrou » et donner à la justice une entière liberté pour poursuivre ces délinquants sans autorisation préalable.

     

    Pour montrer l’insuffisante volonté politique en France de lutter contre l’évasion fiscale, il faut savoir que 35 000 fonctionnaires des services fiscaux ont été supprimés depuis près de quinze ans, parmi lesquels des inspecteurs chargés de traquer l’évasion fiscale. Un inspecteur des impôts rapporte pourtant plus à l’Etat qu’il ne lui coûte, parce qu’il permet de recouvrer des recettes fiscales souvent importantes.

     

    Zamboanga : Quelles sont les propositions des candidats pour réduire les déficits publics de la France ?

     

    Dominique Plihon : La plupart des candidats de droite, y compris Emmanuel Macron, que je considère comme tel, veulent réduire les dépenses publiques et augmenter certains impôts comme la TVA. Ce qui se traduit par une dégradation des services publics, de la protection sociale, au détriment des citoyens les plus fragiles.

     

    Ces mesures sont exactement le contraire de ce que proposent les candidats marqués à gauche (Hamon et Mélenchon, par exemple). Ces derniers préconisent de s’attaquer d’abord à l’évasion fiscale, qui pèse lourdement sur les finances publiques. Par ailleurs, certaines niches fiscales qui profitent aux citoyens les plus aisés (déduction sur l’immobilier) devraient être supprimées, car elles coûtent, elles aussi, d’après la Cour des comptes, l’équivalent de 80 milliards d’euros par an.

     

    Selon ces candidats de gauche, certains impôts doivent être augmentés, en particulier les impôts sur le capital (succession, impôts sur les sociétés, les plus-values, etc.). En revanche, ils ne proposent pas d’augmenter la TVA, qui est un impôt dit régressif et qui pèse principalement sur les ménages dont les revenus sont les plus bas.

     


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